Grand déplacement : l’exonération de cotisations suppose de justifier de frais supplémentaires

En cas de versement d’allocations forfaitaires de grand déplacement, l’employeur doit justifier de l’engagement effectif par ses salariés de frais supplémentaires liés à leur mission en établissant les circonstances de leurs déplacements, en particulier les dates, heures et lieux de ceux-ci.

Le grand déplacement est la situation dans laquelle le salarié, en déplacement professionnel, est empêché de regagner chaque jour sa résidence personnelle.

En métropole, le salarié est présumé en être empêché :

  • lorsque la distance séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement est au moins égale à 50 kilomètres (trajet aller ou retour) ;
  • et que les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1 h 30 (trajet aller ou retour).

Lorsque le salarié est empêché de regagner son domicile en fin de journée pour des circonstances de fait, il est également considéré comme étant dans la situation de grand déplacement (Arrêté SANS0224282A du 20-12-2002 art. 5, 1o ; BOSS-FP-1240).

Le versement d’indemnités forfaitaires évite à l’employeur de devoir justifier la réalité des dépenses…

Dans cette situation, le salarié peut être amené à engager des dépenses supplémentaires de nourriture et de logement. Ces dernières constituent des frais professionnels exclus de l’assiette des cotisations et contributions sociales.

L’employeur peut prendre en charge ces dépenses en procédant à un remboursement des dépenses réellement engagées, à condition pour lui de justifier de la réalité et du montant des dépenses.

Il peut aussi les prendre en charge en procédant au versement d’une indemnité forfaitaire. Dans ce cas, la justification des dépenses n’est pas nécessaire, les indemnités de mission destinées à compenser les dépenses supplémentaires de logement et/ou de nourriture étant réputées utilisées conformément à leur objet pour leur fraction qui ne dépasse pas les montants forfaitaires, fixés par l’arrêté de 2002, variables selon le lieu d’affectation du salarié : étranger, outre-mer ou métropole (Arrêté précité du 20-12-2002 art. 2 et 5).

… mais pas de rapporter la preuve que ces indemnités sont destinées à compenser des frais supplémentaires

L’employeur doit justifier de l’engagement effectif de frais supplémentaires…

Pour bénéficier de la déduction sur les indemnités forfaitaires de grand déplacement versées à ses salariés, l’employeur doit, pour la Cour de cassation, justifier que ces indemnités sont destinées à compenser des dépenses supplémentaires de repas et de logement, la présomption d’utilisation conforme dans les limites fixées réglementairement ne pouvant jouer qu’une fois cette preuve rapportée (Cass. 2e civ. 19-9-2019 no 18-20.047 F-D ; Cass. 2e civ. 13-10-2022 no 21-14.031 F-D).

En conséquence, même si les deux conditions cumulatives de distance et de temps sont réunies, la société doit justifier de l’engagement effectif par ses salariés de frais supplémentaires liés à leur mission pour bénéficier du jeu de la présomption. À défaut, les indemnités versées doivent être réintégrées dans l’assiette des cotisations et contributions.

… en établissant les circonstances des déplacements professionnels

Dans son arrêt du 28 février 2023, la cour d’appel d’Orléans, après avoir rappelé la jurisprudence issue des arrêts de la Cour de cassation mentionnée ci-dessus, apporte une nouvelle précision : l’employeur doit établir les circonstances des déplacements professionnels des salariés ayant bénéficié des indemnités de grand déplacement, en particulier les dates, heures et lieux de ceux-ci.

A cet égard, elle juge que constituent des preuves insuffisantes :

  • les contrats de travail des salariés comportant une clause d’affectation sur tous les chantiers pouvant être exploités par la société ;
  • la mention des indemnités de grands déplacements sur les bulletins de salaire, puisqu’elle ne permettait pas d’en déduire les dates et lieux de chantiers afférents, en l’absence de justificatifs produits par la société ;
  • ou encore la liste des magasins dans lesquels la société intervenait, qui ne permettait pas plus d’établir les salariés qui étaient intervenus sur ces chantiers ni leurs dates et heures d’intervention.

Pour autant, faut-il considérer, au vu de cette décision et des deux arrêts de la Cour de cassation qui l’ont précédée, que l’employeur doit justifier du montant des dépenses engagées ?

À notre sens, il n’en est rien. Il s’agit seulement d’apporter des éléments démontrant l’engagement effectif de frais supplémentaires par les salariés liés à leur mission en apportant la preuve de la réalité de leurs différents déplacements. Ces éléments doivent permettre d’identifier à la fois les lieux, les dates et les heures des déplacements.

À notre avis

Concrètement, la production par l’employeur, pour chaque salarié concerné et pour chaque mission, de lettres de mission détaillant les lieux, les dates et les heures des déplacements devrait être suffisante pour rapporter cette preuve. Par prudence, il pourrait être utile de conserver, dans le cadre des différents déplacements, les factures d’hôtel, quittances de loyer, factures d’électricité ou de la compagnie des eaux, notes de restaurant, etc. D’autant plus que, si les allocations forfaitaires perçues dépassent les limites fixées par l’arrêté, l’employeur devra justifier de la réalité des dépenses engagées (Arrêté précité du 20-12-2002 art. 2 ; BOSS-FP-1280).

CA Orléans 28-2-2023 n° 21/01679

© Lefebvre Dalloz

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